Livestock Research for Rural Development 20 (6) 2008 Guide for preparation of papers LRRD News

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Effets de la manipulation, du confinement et du jeûne en eau douce des alevins de Oreochromis niloticus sur leur survie en eaux salées

Y N Amon, K Yao et M Ouattara*

Université d’Abobo-Adjamé, UFR-SN, Laboratoire de Biologie et Cytologie Animales (Côte d’Ivoire)
*Université d’Abobo-Adjamé, UFR-SGE, Laboratoire d’Environnement et de Biologie Aquatique, 02 BP 801 Abidjan 02 (Côte d’Ivoire)
yao_kou2002@yahoo.fr

Résumé

Les effets de la manipulation, du confinement et du jeûne en eau douce des alevins de Oreochromis niloticus  sur leur survie en eaux salées ont été étudiés afin de répondre aux problèmes d’adaptabilité qui sont à la base des énormes mortalités enregistrées lors de l’élevage de l’espèce en milieu lagunaire.

      

Lorsque les poissons manipulés en eau douce sont transférés en eau salée (10%), 1 jour et 3 jours après l’opération, les taux de survie enregistrés durant 3 semaines dans le nouveau milieu atteignent 97,7 ± 1,3 % (1 jour) et 98,6 ± 1,9 % (3 jours). Ainsi, la manipulation préalable en eau douce n’aurait pratiquement pas d’effet sur la survie ultérieure de Oreochromis niloticus en eau salée, lorsque le transfert se fait au moins 24 heures après cette opération. Par ailleurs, le regroupement des poissons pendant 24 heures en eau douce, suivi de leur transfert en eau salée (10‰), s’accompagne d’une diminution du taux de survie aux fortes densités de confinement (357 ind. /m: 97,5 ± 3,5 % ; 714 ind. /m: 95 ± 0 % ; 1071 ind. /m: 90 ± 0 %). Enfin, des essais de privation alimentaire en eau douce ont montré qu’au fur et à mesure que la durée du jeûne augmente, l’impact de l’aliment distribué en eau salée (16‰) sur la survie des poissons, diminue et passe de 70,9 %, 40,6 % à 0 %, respectivement pour 1, 2 et 3 semaines de jeûne.

 

Ces résultats suggèrent qu’au moins un jour après sa manipulation en eau douce, Oreochromis niloticus peut être élevée en eau saumâtre si les densités de confinement en eau douce ne dépassent pas 714 ind. /m3. Les poissons doivent être préalablement bien alimentés.

Mots clés: adaptabilité, jeûne, poisson, stress



Effects of handling, confinement and fasting in fresh water of Oreochromis niloticus’s fries on their survival in salt water

Abstract

The effect of handling, confinement and fasting of Oreochromis niloticus fries in fresh water in their future survival rate on salt water, was carried out in order to answer to the numerous problems of stress which involve enormous death rate when the species is bred in the lagoon.

 

When fishes are handled in fresh water one and three days and then transferred in salt water (10%), the survival rate recorded during 3 weeks reaches respectively 97.7 and 98.6%. Thus, the fresh water set-up of fishes has not had practically any effect on the later survival of the fries in the salt water in the above conditions. Therefore, a 24 hours confinement of the fries in fresh water at high densities (357/m3: 97,5  ± 3,5 %; 714 /m3: 95  ± 0 %; 107/m3: 90  ± 0 %), leads to a survival rate decrease. The fasting tests in fresh water showed that,  the longer the period of starvation, the weaker the survival rate when fed in salt water.
 

These results suggest that after at least one day of handling in fresh water, Oreochromis niloticus can later be bred in brackish water when the density in fresh water does not exceed 714/m3. Previously, the fish must be well fed.

Key words: adaptability, fish, starvation, stress condition


Introduction

Selon la FAO (2002), la production mondiale aquacole de tilapia en lagune est passée de 65 989 tonnes en 1996 à 190 176 tonnes en 2001. Dans le cadre de la valorisation des plans d’eau lagunaires ivoiriens qui s’étendent sur une superficie de 1200 Km2, des essais en lagune ont été réalisés sur Oreochromis niloticus. D’importantes pertes (20 à 70 %) d’origine encore mal identifiée ont été rapportées. Une mauvaise adaptation de l’espèce en milieu lagunaire semble être la cause de ces mortalités (Magnet 1980 ; Magnet et Kouassi 1979 ; Doudet 1992).

         

En pisciculture, certaines opérations sont obligatoires. Il s’agit par exemple de la manipulation des poissons, de leur confinement et de leur alimentation. Ces opérations ont une incidence sur leur physiologie. En effet, plusieurs auteurs ont rapporté une augmentation du taux de cortisol chez les poissons à la suite de leur manipulation (stress aigu) ou de leur confinement (stress chronique) (Auperin et al 1997 ; Barcellos et al 1999a, 1999b ; Biswas et al 2006). Une des conséquences de ces perturbations physiologiques liées au stress pourrait alors être la mauvaise adaptation de ces poissons aux milieux salés.

           

Ce travail examine donc les effets de ces deux facteurs de stress ci-dessus mentionnés sur l’adaptabilité de Oreochromis niloticus en eau salée. L’étude consistera à déterminer le délai minimum à observer et la densité adéquate à adopter en eau douce, avant le transfert des poissons en eau salée.

 

Par ailleurs, en élevage intensif, l’aliment peut être un facteur limitant. En effet, il n’est pas rare de constater une baisse de sa disponibilité, voire une rupture complète de son stock à certains moments de l’année. L’incidence d’une telle situation sur les capacités adaptatives de l’espèce, dans le cas d’un transfert en eau salée, sera analysée. La survie des poissons en eau salée, après un jeûne prolongé de 1 à 3 semaines en eau douce sera étudiée.

 

Matériel et méthodes

Des alevins de Oreochromis niloticus, de poids compris entre 8 et 12 g, ont servi pour les expériences. Ils sont maintenus au laboratoire en eau de ville et nourris quotidiennement, à volonté (matin et soir) avec de l’aliment  industriel (fabrication IVOGRAIN), sauf la veille et le jour des manipulations. Six (6) petits (70 ´ 40 ´ 50 cm) et 4 grands (150 ´ 80 ´ 70 cm) aquariums munis de filtres-moteurs et de bulleurs ont été utilisés. Du sel marin (Aqua medic) a servi à la préparation des différents milieux salés en utilisant un salinomètre (Tetracon 325) affichant à la fois la salinité et la température. Toutes les expériences ont été réalisées en réplicat dans les conditions de température et de photopériode de la saison (septembre 2005 à avril 2006). Le pH (6,5 à 6,9) et la température (25,9 à 27,2°C) n’ont pas varié significativement d’un lot à un autre pour chaque expérience.

 

Effet de la manipulation des alevins en eau douce sur leur survie en eau salée

 

Les poissons sont pêchés de leur lieu de stockage (fût de 1 000 l)  et mis dans des bassines contenant de l’eau douce. Ils sont par la suite capturés individuellement à la main et pesés. Quatre (4) lots de 38 poissons sont constitués. Chacun d’eux est maintenu dans 1 petit aquarium contenant de l’eau douce, à la densité de 452,4 ind./m3. Après 24 heures (1 jour) passé dans ce milieu, 2 lots (groupe 1) sont transférés, chacun dans un grand aquarium contenant de l’eau salée (10 ‰), à la densité de 158,3 ind./m3 et le deuxième groupe (2 lots) transféré trois jours après, dans les mêmes conditions. Ils sont nourris et suivis durant 21 jours. Les mortalités sont relevées journellement (matin et soir).

 

Effet du confinement des alevins en eau douce sur leur survie en eau salée

 

Trois lots de 20, 40 et 60 poissons sont constitués et confinés  pendant 24 heures dans trois petits aquariums contenant de l’eau douce, avec des densités respectives de 357 ind. /m3; 714 ind. /m3et 1071 ind. /m3. Par la suite, 20 poissons de chaque lot sont transférés dans un grand aquarium contenant de l’eau salée (10 ‰), à la densité de 83,3 ind./m3 (expérience réalisée en réplicat). Ils sont suivis durant 21 jours au cours desquels ils sont quotidiennement nourris.

 

Etude comparée de la survie des alevins confinés en eau douce et en eau salée

 

Trois paires de groupes de poissons (20, 40 et 60) ont été constituées. Un lot de chaque paire est maintenu en eau douce dans un petit aquarium aux densités respectives de 357 ind. /m3; 714 ind. /m3et 1071 ind. /m3. L’autre lot est transféré dans le même type d’aquarium contenant de l’eau à 16 ‰, aux mêmes densités (expérience réalisée en réplicat). Ils sont suivis durant 24 heures.

 

Impact de l’alimentation sur la survie des alevins en eau salée après un jeûne prolongé en eau douce

 

Deux groupes de poissons sont constitués et maintenus en eau douce. L’un est nourri à volonté (témoin) et l’autre privé d’aliment. Après chaque semaine de traitement (3 semaines au total), deux lots de 16 alevins par groupe, à une densité de 190,4 ind. / m3, sont chacun transféré dans 1 petit aquarium contenant de l’eau de salinité 16 ‰. Le taux de survie et le taux d’impact de l’aliment sont quotidiennement suivis sur une période de 7 jours.

 

Effet de l’eau salée sur la survie des alevins après  un jeûne prolongé en eau douce

 

Les alevins sont mis à jeun durant 1, 2 et 3 semaines en eau douce. A la fin de chacune de ces trois semaines, 2 groupes de 2 lots (16 alevins par lot) chacun sont constitués. Les 2 lots du premier groupe sont chacun maintenu en eau douce dans un petit aquarium, à la densité de 190,4 ind. / m (lot témoin) et le deuxième groupe transféré en eau salée (16‰), dans les mêmes conditions (lot traité). Les différents lots sont suivis pendant 7 jours au cours desquels les poissons sont nourris. Le taux de mortalité dû à la salinité est déterminé.

 

Paramètres zootechniques suivis

 

Le taux de survie cumulé 

 

C’est le pourcentage d’individus ayant survécu à un temps t de l’expérience par rapport au nombre de poissons mis en charge.

 

Le taux d’impact de l’aliment

 

Il exprime la capacité qu’a un poisson préalablement mis à jeun en eau douce, d’utiliser l’aliment distribué en eau salée, en vue d’assurer ses fonctions vitales.


Taux de mortalité dû à la salinité 

 

C’est le pourcentage d’individus préalablement soumis au jeûne dont la mort est causée par la salinité du milieu d’élevage.

 

Taux de mortalité dû à la salinité =  [Taux de survie lot nourri (16‰) – taux de survie lot mis à jeun (16‰)]  - [100 – taux de survie du lot mis à jeun (0‰)]

 

Le nombre 100 représente le taux de survie des alevins de Oreochromis niloticus élevés en eau douce et nourris.

 

Analyses mathématiques

 

Différents tests statistiques ont été utilisés.  Le test t de student et l’Analyse de Variance à un seul facteur ont permis de rechercher des différences statistiques entre les valeurs moyennes des facteurs abiotiques des différents lots. Le logiciel STATISTICA 4.5 a été employé à cet effet à un seuil de significativité de 5%. Concernant les variables biologiques, le test de Kruskal-Wallis a été utilisé pour comparer les données dans leur ensemble et révéler ainsi des différences significatives entre les groupes. Celui de Mann-Withney a permis une analyse des variables deux à deux lorsque la différence globale est significative. Ces deux derniers tests ont été également appliqués au seuil de significativité 5% grâce au programme R 2.01.

 

Résultats 

Effet de la manipulation des alevins en eau douce sur leur survie en eau salée

      

La figure 1 présente l’évolution du taux de survie cumulé, par période de 3 jours, des poissons en fonction du temps en eau salée, un jour et trois jours après leur manipulation en eau douce.



Figure 1.  Evolution du taux de survie par période de trois jours des alevins de Oreochromis niloticus en eau salée (10‰).
Ils ont été manipulés 1 ou 3 jours préalablement en eau douce.
Chaque barre d'histogramme est une moyenne de 2 essais


Tous les poissons (100 %) restent vivants durant les trois premiers jours, quel que soit le délai. En ce qui concerne le lot 1, transféré un jour après la manipulation, ce taux passe de 100 % à 98,6 ± 1,9 % après les trois premiers jours et reste constant jusqu’au 15è jour. Au 16è jour il chute à 97,7 ± 1,3 %, valeur qui se maintient jusqu’à la fin de l’expérience. Pour le lot 2, le taux de survie de 100 % est constant jusqu’au 15è jour du transfert puis, il passe à 98,6 ± 1,9 % jusqu’à la fin de l’expérience. La comparaison des taux de survie grâce au test de Mann-Withney, révèle une différence significative (p= 0,03075) entre les deux lots.

 

Effet du confinement des alevins en eau douce sur leur survie en eau salée

           

Après 24 h de confinement en eau douce, les taux de mortalités enregistrés sont : Lot 1 (357 ind. /m3): 0 %; Lot 2 (714 ind. /m3): 3, 75 %; Lot 3 (1071 ind. /m3): 5, 83 %.    

Après le transfert en eau salée, le taux de survie calculé par période de trois jours, au niveau du lot 1 est de 100 % durant les trois premiers jours (figure 2).


 


Figure 2.  Evolution temporelle du taux de survie des alevins de Oreochromis niloticus en eau salée (10‰). Ils ont été confinés préalablement durand 24 heures en eau douce. Chaque barre d'histogramme est une moyenne de 2 essais


Entre le 3ème et le 6ème jour, il passe à 97,5 ± 3,5 % et cette valeur reste constante jusqu’à la fin de l’expérience. Concernant le lot 2, le taux de survie de 100 % est resté constant durant les 9 premiers jours.  Après, il chute à 95 % ± 0 % pour rester constant jusqu’à la fin de l’expérience. En revanche, au niveau du lot 3, le taux de survie relevé durant les trois premiers jours est de 92,5  ± 7,1 %. Du 6ème au 9ème jour, ce taux est passé à 90 ± 2,5 % et est resté constant jusqu’à la fin de l’expérience. La comparaison statistique des lots montre qu’il n’y a pas de différence significative entre les lots 1 et 2 (p= 0,5229), alors qu’une différence significative est notée entre ceux-ci et le lot 3 (p= 0,0017).

 

Etude comparée de la survie des alevins confinés en eau douce et en eau salée

     

La figure 3 présente les taux de survie des trois groupes de poissons élevés, à des densités différentes (lot 1 : 357 ind. /m3, lot 2 : 714 ind. /m3, lot 3 : 1071 ind. /m3) durant 24 heures, soit en eau douce, soit en eau salée (16 ‰).



Figure 3.  Taux de survie des alevins de Oreochromis niloticus élevés durant 24 heures en eau douce et salée.
Chaque barre d'histogramme est une moyenne de 2 essais


Lorsque les poissons sont maintenus en eau douce, le taux de survie enregistré diminue en fonction de la densité d’élevage avec des valeurs de 97,5 ± 3,5 %, 93,7 ± 1,7 % et 90,9 ± 1,3 %, dans l’ordre croissant de densités. Par contre en eau salée, les taux de survie sont identiques ou proches, quelle que soit la densité, avec des valeurs de 100 ± 0 %, 100 ± 0 % et 98,3 ± 0 % dans le même ordre de densités que précédemment.

 

Impact de l’aliment sur la survie des alevins élevés en eau salée après un jeûne prolongé en eau douce

           

Le taux de survie des témoins (lot nourri) enregistré sur toute la période de l’expérience (1 semaine) est resté pratiquement constant. Il est de 96,9 %, 100 % et 100 % (tableau 1). Celui des poissons mis à jeun avant leur transfert à 16 ‰ (lot traité) est de 68,7 %, 40,6 % et 0 %, respectivement pour 1, 2 et 3 semaines de jeûne.


Tableau 1.  Evolution dans le temps du taux de survie et du taux d’impact de l’aliment en eau salée (16 ‰) des alevins de Oreochromis niloticus . Ceux-ci ont été préalablement nourris ou mis à jeûn durant 1, 2 et 3 semaines en eau douce

  Paramètres

Durée de l’expérience (jours)

1

2

3

4

5

6

7

Taux de survie après 1 semaine de jeûne ou d’alimentation

lot nourri (témoin)

100

96,9

96,9

96,9

96,9

96,9

96,9

lot à jeun (traité)

87,5

78,1

75

71,8

68,7

68,7

68,7

Taux d’impact de l’aliment

87,5

80,6

77,4

74

70,9

70,9

70,9

Taux de survie après 2 semaines de jeûne ou d’alimentation

lot nourri (témoin)

100

100

100

100

100

100

100

lot à jeun (traité)

75

53,1

50

43,7

40,6

40,6

40,6

Taux d’impact de l’aliment

75

53,1

50

43,7

40,6

40,6

40,6

Taux de survie après 3 semaines de jeûne ou d’alimentation

lot nourri (témoin)

100

100

100

100

100

100

100

lot à jeun (traité)

53,1

25

9,3

6,2

0

0

0

Taux d’impact de l’aliment

53,1

25

9,3

6,2

0

0

0


Quelle que soit la durée du jeûne, le taux de survie global, enregistré pour le lot traité est toujours plus faible que celui du témoin. L’incidence de l’aliment distribué sur la survie des poissons en eau salée passe de 87,5 %, 75 % et 53,1 %, respectivement pour 1, 2 et 3 semaines de jeûne. La même incidence diminue régulièrement pour se stabiliser au cinquième jour de l’expérience à 70,9%, 40,6% et 0%, pour 1, 2 et 3 semaines de jeûne. Les différences observées sont statistiquement significatives selon le test de Mann-Withney (0,0019≤p≤0,0169).

 

Effet de l’eau salée sur la survie des alevins après un jeûne prolongé en eau douce

       

Le taux de survie des témoins, enregistré sur une semaine, diminue au fur et à mesure que la durée du jeûne est prolongée (tableau 2).


Tableau 2.  Evolution dans le temps du taux de survie en eau douce et en eau salée (16 ‰) et du taux de mortalité dû à la salinité des alevins de Oreochromis niloticus . Ceux-ci ont été préalablement soumis à un jeûne de 1, 2 et 3 semaines en eau douce.

Paramètres

Durée de l’expérience (jours)

1

2

3

4

5

6

7

Taux de survie après la 1ère semaine de jeûne

0 ‰ (témoin)

93,7

93,7

90,6

84,3

84,3

84,3

84,3

16 ‰ (Lot traité)

87,5

78,1

75

71,8

68,7

68,7

68,7

Taux de mortalité dû à la salinité

6,2

12,5

12,5

9,4

12,5

12,5

12,5

Taux de survie après la 2ème  semaine de jeûne

0 ‰ (témoin)

87,5

84,3

81,2

78,1

71,8

71,8

71,8

16 ‰ (Lot traité)

75

53,1

50

43,7

40,6

40,6

40,6

Taux de mortalité dû à la salinité

12,5

31,2

31,2

31,4

31,2

31,2

31,2

Taux de survie après la 3ème semaine de jeûne

0 ‰ (témoin)

78,1

71,8

71,8

68,7

62,5

62,5

62,5

16 ‰ (Lot traité)

53,1

25

9,3

6,2

0

0

0

Taux de mortalité dû à la salinité

25

46,8

62,5

62,5

62,5

62,5

62,5


Il passe de 84,3 %, 71,8 % et 62,5 %, pour 1, 2 et 3 semaines de jeûne. Celui des poissons élevés à 16 ‰ (lot traité), diminue également en fonction de la durée du jeûne observée en eau douce. Les valeurs sur toute la période de l’expérience (7 jours) sont  de 68,7 %, 40,6 % et 0 %, pour 1, 2 et 3 semaines de jeûne. Elles sont plus faibles que celles des témoins dès le premier jour de l’expérience (87,5 % contre 93,7 % ; 75% contre 87,5 % ; 53,1 % contre 78,1 %), pour 1, 2 et 3 semaines de jeûne.

 

Le pourcentage de mortalité des poissons dû à la salinité varie en fonction de la durée du jeûne en eau douce. Les valeurs enregistrées le premier jour de l’expérience sont de 6,2 %, 12,5 % et 25 %, respectivement pour 1, 2 et 3 semaines de jeûne. Ensuite, elles augmentent pour les trois périodes de jeûne, pour se stabiliser à 12,5%, 31,2% et 62,5%. Les différences observées sont statistiquement significatives (0,0001≤p≤0,016).

 

Discussion  

Les résultats obtenus, relatifs à la manipulation des alevins, ont montré que les taux de survie enregistrés sur toute la durée de l’expérience (21jours) au niveau des deux lots, sont proches et élevés (plus de 97 %), quoique significativement différents. Les mortalités dans les deux cas ne sont pas massives et n’interviennent qu’après 3 jours d’élevage en eau salée. Même au niveau du lot transféré 1 jour après la manipulation et pour lequel le taux de survie global est bas, seulement 1 poisson sur les 76 est perdu entre le troisième et le quinzième jour du transfert. La deuxième et dernière mortalité n’intervient qu’au seizième jour. La manipulation n’a donc pas eu d’incidence majeure sur la survie des alevins de Oreochromis niloticus en milieu salé (10‰). Cependant, les poissons n’ont été transférés en eau salée qu’au moins 24 heures après leur manipulation, ce délai leur ayant certainement permis de recouvrer leur situation d’équilibre physiologique. En effet, selon Barcellos et al (1999a), Biswas et al (2006), chez Oreochromis niloticus et chez Pagrus major, le taux plasmatique de cortisol des poissons soumis à un stress aigu (manipulation), est déjà retourné au niveau basal, 24 heures après l’opération. Les rares mortalités constatées dans cette expérience seraient donc d’origine naturelle. L’eau salée, à 10‰, n’aurait donc pas pu causer la mort des poissons.

 

Le présent travail indique qu’il y avait plus de mortalités en eau salée pour les poissons préalablement soumis à une très forte densité de confinement en eau douce. Les mortalités signalées en eau douce se sont donc poursuivies en eau salée. On aurait pu penser à un effet conjugué de l’eau salée (16‰) (deuxième facteur de stress) et du confinement (premier facteur). Cependant, les résultats du présent travail de même que ceux obtenus antérieurement dans le même laboratoire (soumis pour publication) ont montré que lorsque les poissons sont directement confinés en eau salée (16 ‰) durant 24 heures, le taux de survie est plus élevé que lorsqu’ils sont maintenus en eau douce, en respectant la même densité. On en déduit donc que le confinement en eau douce serait responsable des mortalités observées en eau salée. En effet, plusieurs auteurs (Auperin et al 1997 ; Barcellos et al 1999a, 1999b) ont rapporté chez Oreochromis niloticus, une augmentation du taux plasmatique de cortisol (indicateur de l’état de stress), lorsque les poissons sont soumis à un fort confinement en eau douce. Des études antérieures, notamment celles de Nugon (1997) signalent une augmentation de la concentration de l’ammoniaque (10 mg/l contre 7mg/l) dans l’eau d’élevage lorsque les poissons sont élevés à une forte densité (1,25 ind./l contre 0,5 ind./l) en eau douce.

 

L’ammoniaque est un produit d’excrétion des poissons téléostéens dont Oreochromis niloticus. Il est nocif pour les poissons (Arrignon 2000). Les travaux de Evans et al (2006) ont montré que 93 à 100 % de ceux-ci (Oreochromis niloticus) sont perdus lorsqu’ils sont exposés durant 24 heures à des concentrations d’ammoniaque allant de 2 à 4 mg/l. Des changements histologiques  au niveau des branchies ont été observés (Frances et al 2000). Selon Alam et Frankel (2006), l’addition de sel à l’eau d’élevage est nécessaire pour réduire le stress causé par la présence d’ammoniaque. Cette situation expliquerait le meilleur taux de survie observé dans ce travail lorsque les poissons sont directement confinés à 16‰ plutôt qu’à 0‰.

Des travaux antérieurs (soumis pour publication) ont fait état de la capacité de Oreochromis niloticus de survivre à un transfert direct entre 0 et 17‰. Ceux-ci ayant été régulièrement nourris avant et après le transfert. Les mortalités enregistrées à 16‰ dans ce travail chez les poissons préalablement mis à jeun ne peuvent être attribuées qu’au fait qu’ils ont été privés de nourriture. Celles spécifiquement liées à la salinité sont en moyennes de 12%, 31% et 63%, respectivement pour 1, 2 et 3 semaines de privation alimentaire. Selon Kouakou (1987), un jeûne prolongé de 7 à 31 jours entraîne une baisse du taux de métabolisme de 25 à 50 %. Par ailleurs, Suresh et Lin (1992), rapportent une augmentation du taux de métabolisme des tilapias lorsqu’ils sont transférés en eau salée. Il apparaît donc que la demande énergétique suscitée par l’introduction des poissons en eau salée n’a pu être couverte du fait de la privation de nourriture, ce qui a entraîné les mortalités constatées. D’ailleurs, des mortalités ont été signalées chez les poissons maintenus en eau douce, quoique faibles par rapport à celles enregistrées en eau salée. L’aliment distribué aux poissons pendant leur séjour en eau salée n’a pas toujours été suffisant pour inverser les tendances. Après une semaine de privation alimentaire, l’aliment distribué a permis de sauver environ 71% des poissons. Cette valeur n’est que de 41% après 2 semaines de jeûne. Lorsque les poissons sont privés d’aliment pendant 3 semaines en eau douce, l’aliment qui leur est distribué ultérieurement en eau salée n’est plus suffisant pour les maintenir en vie. Ils sont tous perdus au bout de 5 jours. Un niveau d’alimentation suffisant des poissons est donc à prendre en compte au cours des transferts eau douce/eau salée.

 

Remerciements 

Les travaux ont été réalisés dans le laboratoire d’aquaculture du lycée professionnel des métiers de la pêche de Grand-Lahou. Nous sommes reconnaissant au Directeur, M. Adama Yaliké, pour nous avoir ouvert les portes de son établissement. Nos remerciements vont également à l’endroit de Ms. Ya Kouamé Claude, Konan Séraphin, enseignants, qui nous ont apporté leur aide au double plan administratif et technique durant ces travaux.

 

Références bibliographiques 

Alam M and Frankel T L 2006 Gill ATPase activities of silver perch, Bidyanus bidyanus (Mitchell), and golden perch, Macquaria ambigua (Richardson): Effects of environmental salt and ammonia. Aquaculture 251: 118-133

 

Arrignon J 2000 Pisciculture en eau douce: Le tilapia. Collection Le technicien de l’agriculture tropicale. Edition Maisonneuve et Larose (Paris, France): 125p.

 

Aupérin B, Baroiller J F, Ricordel M J, Fostier A and Prunet P 1997 Effect of confinement stress on circulating levels of growth hormone and two prolactins in freshwater- adapted tilapia (Oreochromis niloticus). General and comparative endocrinology 108: 35-44

 

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Received 23 January 2008; Accepted 27 March 2008; Published 10 June 2008

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