Livestock Research for Rural Development 28 (9) 2016 Guide for preparation of papers LRRD Newsletter

Citation of this paper

Diagnostic du système d’élevage du dromadaire dans la région de Kidal au nord-est du Mali

B Ouologuem, M Moussa, M N’diaye1, I Baradji, S Penda2, F G Bore3, O Nialibouly4, L Coulibaly, A Kouriba5 et A Soumare6

Institut d’Economie Rurale, Programme Bovin/Camelin
ouologuembara@yahoo.fr
1 Institut d’Economie Rurale, Direction scientifique, rue Mohamed V, BP : 235, tél.20222606 /20231905
2 Institut d’Economie Rurale, Equipe Système de production et Gestion des Ressources Naturelles, Sotuba.
3 Institut d’Economie Rurale, Laboratoire de technologie alimentaire, tél. (223) 20247853
4 Institut d’Economie Rurale, Station de recherche Agronomique de Niono.
5 Comité national de la Recherche Agricole.
6 Institut d’Economie rurale, Centre régional de recherche agronomique de Mopti, BP 205, tél. (223) 21430357/21430197

Résumé

En 2012, la région de Kidal détenait 52,9% du cheptel de dromadaires du pays. Malgré son importance numérique et socio-économique, peu de données sont disponibles sur cet élevage. Pour combler cette insuffisance une enquête a été conduite en 2011 sur un échantillon de 194 exploitations. Au total, 74,3 % des interviewés, chef de ménage ou personne la plus impliquée dans l’élevage, ne font que l’élevage comme activité ; les autres le combinent avec d’autres activités telle que le commerce. Le dromadaire est la seule espèce élevée par 55,8% des éleveurs, tandis que 29,5% détenaient dromadaires, ovins et caprins.

Différents types de dromadaires sont élevés dans la zone. Quatre classes de troupeaux ont été identifiées : 1. petits troupeaux, jusqu’à 50 dromadaires ; 2) troupeaux moyens, de 50 à 100 têtes ; 3) grands troupeaux, de 100 à 150 têtes et 4) très grands troupeaux, >150 têtes. La taille du troupeau a été de 75,7 ± 3,4 4 têtes (de 10 à 266 têtes). 95% des éleveurs ne vaccinaient pas et 84% ne déparasitaient pas les animaux. Les principales pathologies ont été les charbons (50%) et les dermatoses (12,5%). Le taux de mortalité des chamelons a été de 14,4%, contre 8,4% pour l’ensemble du troupeau. L’âge à la première saillie a été de 3 ans pour 65% des éleveurs et 4 ans pour 20%. La production déclarée de lait trait a été de 2,6 l/jour pendant la saison des pluies et 1,3 l/jour durant la saison sèche. Le lait caillé est dans 73,9% des cas le principal produit transformé à partir du lait de dromadaire. Le lait frais et le caillé sont autoconsommés. Pour le quart de la population enquêtée, le dromadaire constitue la seule source de revenu du ménage, tandis que pour les 75%, la contribution du dromadaire varie entre 90% et 60%. Les principales difficultés sont l’alimentation, les pathologies et la faible organisation des éleveurs.

Mots-clés: composition du troupeau, contrainte, gestion, lait, santé



Diagnosis of camel husbandry system in the region of Kidal in northeastern Mali

Abstract

In 2012, Kidal region held 52.9% of the national dromedary herd. Despite its dromedary size and socioeconomic importance, few data are available on its livestock farm. To address this deficiency, a survey was conducted in 2011 on a sample of 194 farms using a questionnaire administered to the head of the household or directly to the person in charge of the farming. In total, 74% of respondents do dromedary farming as their main activity, while 25.7% combine farming with other activities including with trade. Dromedary is the only species raised by 55.8% of farmers, while 29.5% raised dromedaries, sheeps and goats.

Different types of dromedary herds are raised in Kidal. Four classes of herds have been identified: 1) small herds, up to 50 dromedaries; 2) medium herds > 50 <100 heads; 3) large herds of 100 to 150 heads and 4) very large herds > 150 heads. Average herd size was 75.7 ± 3.4 heads, with extremes of 10 and 266 heads. 95% of farmers do not vaccinate and 84% do not deworm their herds. The main pathologies were anthrax (50%) and animal dermatosis (12.5%). The mortality rate of young dromedary was 14.4%, compared to 8.4% for the entire herd. First mating age was 3 years for 65% of the farmers and 4 years for 20%. Milk production was 2.6 L/day during the rainy season and 1, 3 L/day during the dry season. Sour milk is in 73.9% of cases the primary product processed from dromedary milk. Fresh and sour milks are self-consumed. For a quarter of the surveyed population, dromedary is the only source of household income, while for 75%, the dromedary contribution varies between 90% and 60%. The main difficulties for raising dromedary are feed, diseases and poor farmer organizations.

Keywords: health, herd, management, milk


Introduction

En 2012, l’effectif national de dromadaires du Mali a été estimé à 959 783 têtes dont 97% dans les régions de Kidal, de Gao et de Tombouctou. La région de Kidal comptait 507 725 soit 52,9% de l’effectif national (DNPIA 2012). Malgré cette importance numérique, très peu de recherche a été menée sur cette espèce afin d’identifier les opportunités et les contraintes de son élevage. En effet, les principaux résultats d’études bibliographiques ou d’enquêtes réalisées sur le dromadaire au Mali ont été présentés lors du séminaire national sur le dromadaire en 1985 dans la région de Gao (Dahl G. 1985). Diall et al (1994) ont déterminé la prévalence de la trypanosomose cameline dans la région de Gao. Ouologuem et al (2008a et 2008b) ont effectué le diagnostic dans la région de Gao. Quant à la région de Kidal, le PIDRK a commandité une étude sur les avortements en 2010 et les pratiques de la médecine vétérinaire traditionnelle en 2011. De ce fait, le diagnostic du système d’élevage camélin dans la région de Kidal qui fait l’objet du présent article est la première étude qui prenne en compte tous les aspects de l’élevage du dromadaire.


Matériel et méthodes

Présentation de la zone d’étude

La région de Kidal est située dans la zone saharienne au nord-est du Mali entre le 18° et le 21° de latitude Nord, le 43° de longitude Est et le 19° de longitude Ouest. Elle couvre une superficie de 260 000 km² soit 21% du territoire national. Elle est limitée au nord par la République d’Algérie, au sud par la région de Gao, à l’est par la République du Niger et à l’ouest par la région de Tombouctou. La pluviométrie y est très faible et décroit du sud (121 mm) vers le nord (75 mm par an). Administrativement, la région comprend les cercles de Kidal, Tessalit, Tina –Sako et Abéibara. Quatre grandes zones écologiques caractérisent la région :1) l’Adagh, la zone des montagnes plus ou moins hautes mais toujours massives, située dans la partie centrale de la région. Elle est jalonnée d’est en ouest par des vallées qui drainent l’eau des pluies. 2) la vallée du Telemsi, qui occupe le sud-ouest de la région, constitue une vallée fossile, véritable réceptacle des eaux drainées par les grandes vallées qui descendent de l’Adagh et des meilleures terres salées pour le bétail telles qu’Aslagh, Eghabab, Takabart. 3) le Tamesna, situé à la lisière est de l’Adagh, est une vaste suite de plaines, de plateaux, de dunes, d’ergs et de regs arides. Malgré une pluviométrie faible (environ 100 mm/an), cette zone recèle d’excellents pâturages herbacés et ligneux surtout en saison sèche froide. 4) Enfin le Timtaghène, est une zone dominée par un massif montagneux situé à l’extrême ouest de la région, séparée de l’Adagh par la vallée de Telemsi (PIDRK 2011). La région de Kidal est voisine de l’Algérie et du Niger.

On distingue les saisons suivantes : saison des pluies de juillet à fin septembre, saison sèche froide d’octobre à fin février et saison sèche chaude de mars à fin juin.

Enquête

L’enquête a été menée entre juillet et novembre 2011 auprès de 194 éleveurs de la région à l’aide d’un questionnaire individuel. Avant son administration, une réunion d’information a été organisée sous la présidence des maires ou de leurs adjoints au niveau des communes et de chefs de fractions ou leurs conseillers au niveau des fractions. Ensuite, le questionnaire a été administré au chef de ménage ou à la personne la plus active dans l’activité d’élevage.

Les données ont été analysées par les méthodes d’analyses descriptives (fréquence, moyenne, médiane, écart-type). Toutefois les données de la production de lait ont fait l’objet d’analyse de variance en considérant comme facteurs la catégorie des troupeaux et les cercles de la région en utilisant General Linear Model du logiciel SPSS version 16.


Résultats

Activités principales des enquêtés

L’élevage constitue la seule activité pour 74,2% des personnes enquêtées, 21,1% l’associent au commerce, 2,1% au salariat ; 2,5% exerçaient une troisième activité telle que l’artisanat en plus de l’élevage et du commerce. Les objectifs de l’élevage sont multiples. En effet, même si 39,7% ont déclaré le lait comme seul objectif de l’élevage, 30,9% l’ont combiné avec l’obtention de la viande et un revenu monétaire, 20,6% avec la viande, 6,2% avec la viande, les cuirs et le revenu monétaire, 1% avec le revenu monétaire et enfin 1,5% avec la viande et autres. Sur le plan organisationnel, 97,3% des éleveurs ne sont pas membres d’organisations professionnelles.

Le dromadaire est élevé par plus de la moitié des enquêtés. Toutefois, l’élevage de cette espèce en association avec celui des caprins, des ovins et des bovins dans différentes combinaisons est une pratique courante dans la région (figure 1).

Figure 1. Répartition des espèces animales élevées selon les éleveurs enquêtés
Effectif et structure moyenne des troupeaux de dromadaires enquêtés

L’effectif des troupeaux enquêtés a été de 14 618 dromadaires. La taille moyenne du troupeau a été de 75,7 ± 3,4 têtes, mais la médiane a été de 60 têtes. Le troupeau le plus petit était constitué de 10 têtes, tandis que le plus gros comprenait 266 dromadaires. Toutefois, le classement de ces troupeaux selon leur taille a indiqué que les « moyens » et « petits» sont les plus nombreux. Ils sont suivis de loin par la catégorie « grands » et « très grands » (tableau 1).

Tableau 1. Répartition des troupeaux de dromadaires selon leur effectif

Classement
des troupeaux

Nombre de
troupeaux

Effectif moyen
du troupeau

Ecart-
type

Petits

71

35

8

Moyens

73

70

14

Grands

35

127

14

Très grands

13

192

31

Total

192

75,7

3,4

Dans la répartition des troupeaux par cercle, Abéibara ne comptait que de petits troupeaux, tandis que dans les trois autres toutes les catégories ont été présentes. Les troupeaux de taille moyenne ont été plus nombreux dans le cercle central de Kidal, suivi par Tessalit et Tin-Essako. Par contre Tessalit a compté plus de grands et très grands troupeaux que les autres localités (Figure 2).

Figure 2. Répartition des troupeaux par cercle de la région

 Les femelles adultes taries sont dominantes dans la structure, suivies par les mâles adultes non géniteurs et les mâles castrés. La tendance a été la même dans tous les quatre classes de troupeaux (tableau 2).

Tableau 2. Structure des troupeaux (%) en fonction de leur taille

Classe de
troupeau

Jeunes mâles
non sevrés

Jeunes femelles
non sevrées

Jeunes
mâles

Jeunes
femelles

Mâles adultes
non géniteurs

Femelles
adultes taries

Femelles en
lactation

Mâle
castrés

Géniteurs

Petits

11

11

11

11

13

18

13

11

3

Moyens

8

8

11

11

14

25

9

12

3

Grands

6

7

10

11

17

27

5

14

2

Très grands

6

7

13

9

13

26

11

13

2

Moyenne

8

8

11

11

14

24

10

13

3

Gestion du troupeau
Conduite du troupeau

De l’avis de 59% des enquêtés, la conduite du troupeau est effectuée par un membre de la famille. Les bergers ont un salaire dans 24,6% des cas, tandis que dans 75,4% cette main-d’œuvre n’est pas rémunérée.

Santé animale

Les troupeaux ne sont pas vaccinés par 94,8% des éleveurs, et 84,0 % n’ont pas fait de déparasitages interne et externe modernes. Plusieurs arguments sont avancés par les éleveurs tels que l’inaccessibilité des services vétérinaires (45,4%), le manque de vaccin (24,0%), la méconnaissance des bienfaits de ces pratiques (11,7%). La vaccination est faite par 5,2% des éleveurs. Le charbon bactéridien est la pathologie contre laquelle la vaccination a été la plus fréquente (75,0%).

Le taux moyen de mortalité a été inférieur à 10% (tableau 3). Il a été plus faible dans les petits et moyens troupeaux que dans les grands et très grands. Le taux de mortalité est plus élevé chez les jeunes allaitants mâles et femelles notamment dans les très grands et grands troupeaux. Toutefois, dans les petits troupeaux, les jeunes mâles sevrés ont payé un lourd tribut.

Tableau 3. Taux de mortalité des dromadaires selon les classes des troupeauxñ

Classe de
troupeau

Mâles
adultes

Femelles
adultes

Jeunes mâles
sevrés

Jeunes femelles
sevrées

Jeunes mâles
non sevrés

Jeunes femelles
non sevrées

Moyenne

Grand

6,2

7,5

5,8

2,9

17,7

14,2

9,1

Moyen

3,8

6,5

6,4

2,5

10,8

7,2

6,2

Petit

8,3

8,2

13,7

8

12,9

11,5

6,2

Très grand

4,3

6,5

9,8

11,2

26,1

14,5

12,1

Moyenne

5,7

7,2

8,9

6,2

16,9

11,9

8,4

Reproduction

La majorité des éleveurs (74,2 %) gère la reproduction par le retrait du géniteur du troupeau, tandis que 24,0 % le garde durant toute l’année. L’âge au sevrage est fixé à 12 mois par 77% des éleveurs, tandis que 9,4 % le prolonge jusqu’à 18 mois. L’âge à la première saillie des génisses a été de 3 ans pour 65,3% des éleveurs et 4 ans pour 19,6%. Pour le reste il a varié entre 2,5 ans et 3,5 ans. Les mâles non retenus pour la reproduction sont soit castrés (24,0% des éleveurs), soit sortis du troupeau pour servir de monture (35,1%) ou utilisés dans divers travaux (23,5%). L’intervalle entre mise bas est de 2 ans pour 65,5 % des éleveurs, tandis que 19,4 % l’ont situé à 3 ans.

Alimentation et abreuvement des troupeaux

L’élevage est entièrement extensif et les animaux sont nourris presqu’exclusivement sur pâturage (94,4%), par contre 5,6 % ont déclaré donner des sous-produits d’oléagineux tel que le tourteau de coton comme complément. La transhumance est pratiquée par 76,3% des éleveurs. Pour 85% des éleveurs, le mouvement concerne toutes les catégories de dromadaires à l’exception de quelques laitières et les animaux faibles. La distance moyenne de la transhumance est de 76 km, mais elle a varié de 10 km à 400 km. La durée moyenne de la transhumance a été de 3,4 mois, mais elle a varié de 2,7 mois de Tin-Essako à 4,1 mois à Tessalit. A Kidal et Abéibara la durée a été de 3,3 mois. Quelques éleveurs (12,5%) pratiquent encore le nomadisme. En plus de la transhumance, les éleveurs ont adopté différents modes de pâture, tels que la pâture de jour et de nuit ou celle du jour uniquement selon les mois.

Le point d’abreuvement des animaux se trouvait en moyenne à 20 km du lieu de pâture, mais la distance a varié de 2 km à 100 km en fonction des éleveurs et des saisons. Toutefois, pendant la saison des pluies les animaux ont accès aux eaux de ruissellement et aux mares temporaires de proximité.

Ecotypes de dromadaires

Cinq types de dromadaires, dont quatre considérés comme purs sangs et le 5e un produit de croisement entre les premiers, ont été signalés par les éleveurs en fonction des zones écologiques (Photos 1 - 5). Ainsi, le type Talamt-Nadagh ou Tolmen-Nadagh est rencontré principalement dans l’Adrar, le Talamt-tan Tamesna dans le Tamesna, le Talmarokit à Tessalit et dans le Tilemsi et enfin le Tatawgite dans le Timétrine à l’ouest de la région à la frontière avec la région de Tombouctou. Toutefois, ces types n’ont pas encore fait l’objet de caractérisation ni phénotypique ni génotypique détaillée.

Photo 1. Talamt-Nadagh Photo 2. Talamt-tan Tamesna Photo 3. Talmarokit à Tessalit Photo 4. Tatawgite Photo 5. Produit de croisement
Production et gestion du lait

La traite est faite deux fois par jour par 84,1% des éleveurs, alors que seuls 2,9 % la font 3 fois par jour. Le produit est géré dans 98,6% par la femme du chef de ménage ou sous sa responsabilité. La quantité de lait prélevé par le berger pour la consommation familiale et estimée par la personne enquêtée a été statistiquement identique entre les catégories de troupeaux (tableau 4). La même observation a été faite entre les cercles de la région.

Tableau 4. Quantité déclarée de lait prélevé par le berger (pour la consommation familiale) selon les saisons (litres)

Classe de
troupeau

Quantité prélevée par le berger
en saison de pluies

Quantité prélevée par le berger
pendant la saison sèche

Grands

2,6 (0,7)

1,4 (0,4)

Moyens

2,7 (0,8)

1,4 (0,5)

Petits

2,5 (0,7)

1,3 (0,5)

Très grands

2,4 (0,5)

1,2 (0,5)

Moyenne

2,6 (0,7)

1,3 (0,5)

Signification

p = 0,282

p = 0,578

Les chiffres entre les parenthèses indiquent les écarts-types.

Le lait produit est géré dans 98,4% des cas par la femme du chef de ménage. Il est destiné à l’autoconsommation pour 88,0% des répondants, ou donné aux voisins ou parents qui n’ont pas les moyens. Dans 98,0% des cas le lait de dromadaire n’est pas vendu. La raison principale est d’ordre culturel (87,6%) et l’insuffisance de lait ou l’inaccessibilité du marché (12,4%). Le lait caillé est le principal produit transformé à partir du lait de dromadaire (73,9%), mais 2,6 % ont déclaré faire du beurre en plus du lait caillé et 1,7% du fromage.

Pour le quart de la population enquêtée, le dromadaire constitue la seule source de revenu du ménage, tandis qu’il contribue à 90% pour 23,0% des exploitations, à 80% pour 30,8% et à 60% pour les 21,6% des ménages.

Contraintes


Discussion

Le diagnostic de l’élevage du dromadaire a permis d’apprécier l’importance de cette espèce dans la vie socio-culturelle de la région. Elle confirme ce qu’un intervenant disait en 2008 lors de l’élaboration du plan stratégique de la recherche agricole pour la période 2009 – 2018 « à Kidal, l’élevage respire par le dromadaire et tout programme de développement rural de la région qui n’en tient pas compte n’a pas d’avenir ». Au Mali la place du dromadaire a été mieux dévoilée après les sécheresses des années 1970, 1985 et 2003 par sa résistance par rapport à toutes les autres espèces d’élevage de la zone. Cette assertion est confirmée par Bourzat et Wilson (1987) et Bourdanne (1998) qui ont affirmé que la population de dromadaire a augmenté dans le Sahel et en Afrique du Nord après la grande sécheresse. L’élevage du dromadaire constitue de ce fait le sommet dans la hiérarchie des éleveurs dans la région, parce que toutes les autres espèces gravitent autour de lui. La combinaison de l’élevage du dromadaire avec celle d’autres espèces animales semble être une attitude de sécurisation du système contre les aléas climatiques. Cette combinaison a été observée aussi par Traoré et al (2014), Chaibou (2009) et Faye et al (2012).

L’information sur l’effectif du troupeau a été la plus sensible lors de l’enquête, car les éleveurs n’hésitent pas à comparer cette question à celle de savoir combien d’argent avez-vous dans votre compte bancaire ? Quelques craintes sont à la base de cette attitude : 1) la crainte de l’imposition lorsque les chiffres sont communiqués à l’administrateur ; 2) traditionnellement, le fait de donner le nombre d’animaux du troupeau apporte malheur à celui-ci. Mais la sensibilisation a permis de surmonter cette méfiance. La taille moyenne des troupeaux de dromadaires observée dans la présente étude est comparable à celle observée par Koussou (2009) au Tchad qui était de 66 ± 26 têtes. Au Niger, Chaibou et Faye (2005) avaient trouvé que 58% des éleveurs détenaient entre 50 et 100 dromadaires, ce qui est comparable à nos résultats. Toutefois, dans le bassin laitier d’Agadez, Chaibou (2009) a indiqué que le troupeau camelin compte en moyenne 28 têtes.

Le mode de vie du chamelier constitue en lui-même une gestion de son élevage. En effet le mode de conduite, la mobilité du troupeau, les cures salées, l’utilisation des plantes sont des manières traditionnelles de gestion du troupeau sur le plan de l’alimentation, la reproduction et la santé animale. Cette idée est partagée par Chaibou et Faye (2005), Chaibou (2009), et Mabrouk (2010) qui ont indiqué que la mobilité du troupeau est une composante essentielle de gestion du troupeau. La connaissance ancestrale des plantes médicinales a permis aux éleveurs de soigner certaines affections dans un milieu où le vétérinaire est rarement accessible. Ces pratiques ont fait l’objet d’étude par Diallo et Traoré (2009), Antoine-Moussiaux al (2005), et Kane et al (2003).

L’âge de mise en reproduction de 3 ans à 4 ans est comparable aux données de Moslah et al (2004), Zarrouk et al. (2003) et Titaouine (2006). L’intervalle entre deux mises consécutives de 2 ans est aussi comparable aux résultats de ces auteurs.

La mobilité comme mode de gestion de l’alimentation est bien connue dans l’élevage des dromadaires (Traoré et al 2014, Chaibou 2009 et Titouine 2006). Aussi les distances sont fonction de la disponibilité des ressources alimentaires et d’abreuvement.

Les écotypes de dromadaires rencontrés dans la région, indiquent encore toute la potentialité en termes de thèmes de recherche en amélioration génétique. Il semble que les meilleurs coursiers du pays proviennent de cette région, par conséquent des recherches assez spécifiques doivent être menées pour leur caractérisation.

La traite journalière de lait de 2,6 l pendant la saison des pluies et 1,3 l durant la saison sèche (pour la consommation familiale surtout) est comparable à celles trouvées par Traoré et al (2014) à Ansongo, par Titaouine (2006) dans le Sud-Est Algérien et Chaibou (2009) au Niger, mais inférieures à celles de Nadio (1987) et de Kamoun (1995) avec supplémentation en Tunisie. Elle ne reflète pas les potentialités réelles des dromadaires. Les éleveurs ne mesurant pas d'ordinaire le lait produit, ils ne semblent pas avoir une idée bien claire de la quantité de lait en litres ou en kilogrammes. En outre, ils ne prélèvent que ce qu'il leur faut pour la consommation familiale sans avoir l'objectif d'évaluer le potentiel laitier. Toutefois, il faut noter aussi qu’ici la pluviométrie est extrêmement faible et que les animaux n'ont subi aucun traitement vétérinaire (vaccination et déparasitage).


Conclusion


Remerciements

Les auteurs remercient tous les élus locaux de la région ainsi que les agents des structures techniques, l’administration et les ONG qui ont apporté un appui précieux lors des enquêtes dans la région. Nos remercions également le Royaume de Norvège a qui financé l’étude.


Références

Ant oine-Moussiaux N, Faye B and Vias G F 2005 Tuareg ethnodiagnostic skill of Camel diseases in Agadez area (Niger). Journal of Camel Practice and Research, volume 12 No 2 : 85 – 93.

Bourdanne 1998 L’élevage du dromadaire au Mali : Approche socio-économique et culturelle. Thèse de doctorat, Ecole Inter-Etats des Sciences et Médecine Vétérinaires, Dakar, No 13 : 120 p.

Bourzat D et Wilson R T 1987 La recherche cameline en Afrique. Revue scientifique et technique (International Office of Epizootics), volume 6 No 2 : 375-382.

Chaibou Mahamadou 2009 Le bassin laitier d’Agadez au Niger : Caractéristiques et potentiel de production en lait. Annales de l'Université Abdou Moumouni, Niamey, Niger. Numéro Spécial : 15- 26.

Chaibou M et Faye B 2005 Production laitière des chamelles Abzin élevées par lesTouaregs nomades du Niger. In Lhoste F. (édit) Lait de chamelle pour l'Afrique. Atelier sur la filière laitière caméline en Afrique Niamey, 5-8 novembre 2003. Chapitre 2. FAO Production et Santé Animale, Rome, 2004.

Dahl G 1987 (éditeur) Camel forum. Séminaire national sur le dromadaire 2 – 9 décembre, Gao. Work paper N° 18, Somali Academy of Sciences and Arts, 110 p.

Diall O, Bajyana E, Songa E Magnus, Kouyate B, Diallo B, Van Meirvenne  N et Hamers R 1994 Evaluation d'un test sérologique d'agglutination directe sur carte dans le diagnostic de la trypanosomose caméline à Trypanosoma evansi. Revue scientifique et technique (International Office of Epizootics) volume 13 No 3 : 793-800.

Diallo B O et Traore K 2009 Etude sur la médecine vétérinaire traditionnelle dans la région de Kidal, PIDRK, 57p.

DNPIA 2013 Rapport annuel 2012, Mali, 87 pages+annexes.

Faye Bernard, Chaibou Mahmadou and Vias Gilles 2012 Integrated Impact of Climate Change and Socioeconomic Development on the Evolution of Camel Farming Systems. British Journal of Environment & Climate Change volume 2, No 3 : 227-244.

Kamoun M 1995 Le lait de dromadaire : production, aspects qualitatifs et aptitude à la transformation. In : Tisserand J.-L. (éd.). Elevage et alimentation du dromadaire. Zaragoza : CIHEAM : 81 -103.

Kane Y Diop A, Isselmou E, Kaboret Y, Ould Mekhalle M et Diallo B C 2003 Contraintes majeures de l’élevage camelin en Mauritanie. Revue Africaine de Santé et de Productions Animales, RASPA : Vol.1 N0 1 : 31-37.

Koussou M O 2009 Production and marketing of milk in Chad: the case of Oualad Rachid Arabes transhumants in Chad. Abstracts of Second Conference of ISOCARD, Djerba (Tunisia): p. 78.

Mabrouk Seddik M, Khorchani T et Benromdhane M 2010 Bases épidémiocliniques de la maladie du Krafft chez le dromadaire (Camelus dromedarius) dans le Sud tunisien. Revue Élevage et Médecine vétérinaire Pays tropicaux, volume 63 No 1-2 : 29-33.

Moslah M, Hammadi M et Khorchani T 2004 Productivité de l'élevage camelin dans les parcours du Sud tunisien. In : Ferchichi A. (comp.), Ferchichi A. (collab.). Réhabilitation des pâturages et des parcours en milieux méditerranéens. Zaragoza : CIHEAM : 343-347.

Nadio Mamadou 1987 Elevage du dromadaire et évolution socio-économique de la société nomade dans le Nord –Est du Mali. In « Dahl Gudrun (éd.) 1985 : Camel forum. Séminaire national sur le dromadaire 2 – 9 décembre, Gao. Work paper N° 18, Somali Academy of Sciences and Arts » : 23 -29.

Ouologuem Bara, Mohomodou Moussa, Mamadou et D Coulibaly 2008a Système d’élevage camelin dans la région de Gao : I. La connaissance des hommes est primordiale pour améliorer l’élevage. Les Cahiers de l’Économie Rurale, No 6 : 5-12.

Ouologuem Bara, Mohomodou Moussa, Mamadou D et Coulibaly 2008b Système d’élevage camelin dans la région de Gao : II. Gestion des animaux. Les Cahiers de l’Économie Rurale, N°6 : 13-24

PIDRK 2010 Etude sur les causes des avortements dans les espèces cameline et caprine de la région de Kidal. Commissariat à la Sécurité Alimentaire, Programme intégré de développement rural de la région de Kidal, Mali, 73 p + Annexes.

PIDRK 2011 Etude sur les techniques et les pratiques traditionnelles de l’élevage camélin dans la région de Kidal. GIE-3K, Mali : 106 p.

Titaouine Mohamed 2006 Considérations zootechniques de l’élevage du dromadaire dans le Sud-Est algérien : influence du sexe et de la saison sur certains paramètres sanguins. Mémoire de Magister en sciences vétérinaires. Université El-Hadji Lakhdar, Batna, Algérie, 110 p.

Traoré Bakary, Moula Nassim, Toure Abdoulaye, Ouologuem Bara, Leroy Pascal and Antoine-Moussiaux Nicolas 2014 Characterisation of camel breeding practices in the Ansongo Region, Mali. Tropical Animal Health and Production, volume 46, No6. DOI 10.1007/s11250-014-0644-z

Zarrouk A, Souilem O et Beckers J F 2003 Actualités sur la reproduction chez la femelle dromadaire (Camelus dromedarius). Revue Élevage et Médecine vétérinaire Pays tropicaux, volume 56 No 1-2 : 95-102.


Received 23 June 2016; Accepted 17 July 2016; Published 1 September 2016

Go to top